L'abbé Du Buisson

L’abbé Pierre Du Buisson est un protagoniste en vue des milieux mondains au début de la décennie de 1660. Proche de Mlle Desjardins (voir à ce sujet M. Cuénin, Roman et société sous Louis XIV. Madame de Villedieu, 1979, p. 90-91), auteur de plusieurs poèmes et autres pièces galantes parus dans les recueils collectifs de l’époque (p. ex. ici), il est fréquemment mentionné dans les textes témoignant de la vie des salons : anecdotes (il en est question dans l’historiette de Mme de Champré de Tallemant des Réaux), textes à clefs (un article lui est consacré dans le Dictionnaire des précieuses de Somaize, p. 59 ; voir la clef), correspondances (il apparaît comme destinataire d’une « Lettre » de Mlle Desjardins dans son Recueil de poésies, Barbin, 1662, p. 87).

Les informations sur l’individu sont, dans l’ensemble, peu abondantes. On ignore ses dates de naissance et de décès, ce qui ne rend pas aisée la distinction avec ses homonymes contemporains, l’abbé Alexandre Du Buisson (?- 1710), peintre renommé, et le Chevalier du Buisson, lui-même contributeur aux recueils de pièces galantes (voir M. Cuénin, op. cit., p. 92). C’est sans doute ce dernier dont il est question dans l’histoire drôle suivante, tirée des Récréations françaises, 1665 [déplier ci-dessous] "Une jeune fille, qui voulait passer pour belle et qui n’avait autre ambition qu’à tâcher à donner dans la vue des jeunes hommes de sa connaissance, étant un jour seule dans sa chambre et consultant son miroir sur sa beauté et bonne grâce, étudiait toutes les postures par lesquelles elle estimait se rendre recommandable et, appliquant une mouche sur son visage, la changea trente fois de la place pour voir en quel lieu lui siérait mieux, et répétant devant ce miroir les réponses qu’elle devait faire quand elle se verrait caressée de quelque galant, disait quelquefois : « Ah, je pense que voire, Monsieur », « Qui vous croirait », « je sais bien que je n’ai pas tant de mérite ni tant de beauté comme vous me le voulez persuader », « Je n’ai pas si bonne opinion de moi-même », puis faisait des ris et des grimaces si étranges qu’un certain gentilhomme, qui était caché en un coin de la chambre, dont elle ne pensait pas être vue en pensa mourir de rire. Puis, avec ses doigts raccommodant ses cheveux avec une contenance étudiée se donnait des grands coups de poing sur l’épaule d’un côté et d’autre, disant : « Laissez cela, Monsieur du Buisson », « Laissez cela, Monsieur de la Fontaine », pour voir quelle grâce elle avait à rebuter ces Messieurs qui avaient accoutumé de la cajoler.
C’était par fortune un de ces messieurs-là qui était caché, qui, sortant d’où il était, éclata de rire en la surprenant sur le fait, dont de honte et de confusion elle alla se cacher. "

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